Elles s’appellent Lætitia Milot, Enora Malagré, Lorie Prester, Imany, Hillary Clinton, Whoopi Goldberg ou encore Susan Sarrandon… Elles sont actrice, animatrice, femme politique, chanteuse, mais partagent un triste point commun, celui d’être atteinte d’endométriose, une maladie gynécologique définie par la migration de cellules de la cavité utérine en dehors de l’utérus.
Habituées des projecteurs, elles ont osé lever le voile sur leur intimité en évoquant ce mal souvent insoutenable qui les tenaille… presque au quotidien. En évoquant leur maladie sur la place publique, elles ont permis à de nombreuses patientes de se « démasquer ». Le message est devenu simple : souffrir d’endométriose n’est ni une honte, ni un handicap. Et les symptômes pouvant alerter femmes et médecins sont mieux connus. Ils sont principalement représentés par des règles douloureuses et très abondantes, des douleurs pendant les rapports sexuels. On peut rencontrer des signes digestifs et urinaires.
À l’occasion de la semaine européenne de prévention et d’information sur l’endométriose, Agnès Buzyn, ministre des Solidarités de la Santé, a dévoilé un plan qui s’articule autour de trois axes : diagnostiquer plus rapidement avec des consultations médicales obligatoires dédiées aux filles âgées de 11 à 13 ans puis de 15 à 16 ans pour rechercher des signes de la maladie ; lutter contre la méconnaissance de cette maladie parmi le grand public et le personnel de santé en renforçant la formation des professionnels sur les signes d’alerte, et améliorer la prise en charge avec la mise en place d’une « filière endométriose » dans chaque région.
Avec la libération de la parole, la maladie fait enfin l’objet de recherches sérieuses. De la pilule progestative à la chirurgie, les traitements de l’endométriose sont multiples et varient selon les organes impactés. « L’objectif premier du traitement est de réduire ou de supprimer la douleur, explique le Dr Estrade. Mais, la première notion est de savoir que les traitements classiques comme le paracétamol ou les opiacés marchent peu dans l’endométriose. Dans cette pathologie, la douleur est surtout inflammatoire ou de tension et d’adhérence. Les meilleurs antalgiques restent les anti-inflammatoires. Malheureusement, on connaît les conséquences en cas de prise à long terme et à haute dose. » Cependant, les choses évoluent notamment dans la désensibilisation des patientes algiques via les méthodes non-médicamenteuses avant et après chirurgie. « L’hypnose, la méditation, la relaxation, la sophrologie, l’ostéopathie marchent très bien, poursuit le spécialiste. Les nouveaux traitements à électricité haute fréquence donnent également d’excellents résultats sur les cicatrices postopératoires. À l’image de la técarthérapie qui favorise les échanges cellulaires et les échanges d’ions. Elle a deux conséquences : la première c’est la sécrétion d’endomorphines locaux ; la seconde, la réduction des tensions et de la fibrose. » Pour Jean-Philippe Estrade, l’intérêt d’avoir un centre expert est une avancée importante dans la prise en charge de chaque patiente. « C’est à la fois considérer la pathologie et la personne dans sa globalité. »
Des annonces favorablement accueillies par les professionnels à condition de réaliser un dépistage de qualité et apporter les bonnes solutions… sans botter en touche.
Pas « une » mais « des » endométrioses
« Les femmes ont vécu jusque-là avec l’idée que les règles étaient forcément douloureuses et le corps médical a longtemps banalisé cette souffrance, confirme Jean-Philippe Estrade, spécialiste en chirurgie gynécologique à la clinique Bouchard à Marseille. Par sa plainte régulière, la douleur chronique peut finir par ennuyer l’entourage. Avec le temps, se crée un phénomène d’enfermement qui peut engendrer des réactions anxio-dépressives nocives à l’épanouissement personnel et socio-professionnel. De plus, c’est une maladie qui touche à l’intimité associée à la peur de ne pas avoir d’enfant, ni une sexualité normale. Le cocktail est explosif. Dépister les patientes le plus tôt possible pourrait être une solution mais il faudra assurer derrière un suivi de qualité. Le monde médical doit pouvoir entendre, rassurer et distiller les examens en fonction de la symptomatologie. L’endométriose existe depuis toujours, mais il a été longtemps difficile de quantifier le nombre de personnes atteintes. C’est une maladie déroutante et complexe. Elle est propre à chaque personne. Il n’existe pas une endométriose mais des endométrioses en fonction des patientes. » On estime aujourd’hui qu’une femme sur dix serait concernée. Soit un million et demi en France.
Dr Jean-Philippe Estrade
SPÉCIALISTE EN CHIRURGIE GYNÉCOLOGIQUE